Depuis qu’il a pris les rênes de Twitter, rebaptisé X, Elon Musk s’est transformé en catalyseur de désinformation politique, redéfinissant le paysage numérique sous couvert de « liberté d’expression ». En théorie, son modèle « participatif » avec Community Notes permettrait aux utilisateurs de corriger les fausses informations qui circulent sur la plateforme. En réalité, ce système se révèle inefficace, surtout en pleine élection, laissant proliférer les mensonges à une vitesse alarmante. En associant son influence technologique à celle de Donald Trump, Musk ne fait pas que soutenir un candidat : il façonne activement un espace où la vérité est reléguée en arrière-plan, érodant encore davantage la confiance publique dans les institutions démocratiques.
Mais comme l’analyse le Washington Post, ce système est loin d’être efficace, surtout en pleine période électorale. Bien que les utilisateurs proposent des corrections, celles-ci n’atteignent que rarement le public. Sur 283 publications trompeuses sur l’élection de 2024, 74 % des corrections proposées n’ont pas été affichées, empêchant de stopper la désinformation qui circule parfois durant des heures, amassant des millions de vues avant qu’une note ne soit ajoutée. Cela crée des obstacles majeurs pour les responsables électoraux dans les États clés comme la Pennsylvanie, le Michigan et l’Arizona, qui peinent à contrer ces informations trompeuses amplifiées par Musk lui-même.
Stephen Richer, un responsable électoral républicain en Arizona, a même tenté de faire livrer en main propre des messages à Musk, le suppliant de stopper ses publications trompeuses. Jocelyn Benson, secrétaire d’État du Michigan, a essayé de contredire Musk sur X, atteignant 33 millions de vues, mais sans réussir à le dissuader, Musk l’accusant même de « mentir ouvertement ». Pour Benson et les autres, ce combat pour corriger la désinformation de Musk expose leur sécurité personnelle, les obligeant à préparer des mesures de protection pour leurs familles avant chaque intervention publique.
La situation est complexe à quelques jours de l’élection, alors que les responsables des États critiques sont incapables de réduire le flot de fausses informations amplifiées par l’algorithme de X. L’influence grandissante de Musk, qui a invité ses abonnés à signaler des « irrégularités électorales » à une soi-disant « Communauté pour l’intégrité électorale » dirigée par son PAC pro-Trump America PAC, crée une véritable tourmente de désinformation que ses opposants peinent à contrer.
En parallèle, X semble devenu une tribune pour les discours conservateurs. Les publications républicaines dominent : elles sont bien plus visibles et virales que celles des démocrates, qui voient leur nombre d’abonnés fondre. Presque tous les messages ayant dépassé les 20 millions de vues cet été proviennent de comptes républicains. Cette domination évidente, couplée au soutien affiché de Musk à Trump, soulève des questions sur l’impartialité de la plateforme, qui semble plus que jamais favoriser un camp.
Acheter des votes
Elon Musk suscite une autre controverse en offrant un million de dollars par jour à des électeurs inscrits dans des États clés, sous couvert de signer une pétition pro-Trump. Le gouverneur de Pennsylvanie, Josh Shapiro, s’inquiète de la légalité de cette démarche, qui pourrait violer les lois interdisant les incitations financières pour influencer les inscriptions sur les listes électorales. Certains experts, comme Daniel Weiner du Brennan Center for Justice, pensent que cette méthode contourne les lois électorales, tandis que d’autres estiment que Musk pourrait s’en tirer, car la signature de la pétition ne requiert pas explicitement de s’inscrire pour voter.
Sites Internet pour tromper les électeurs
Dans une autre manœuvre pour détourner les électeurs démocrates, Musk finance, via du « dark money », l’initiative Progress 2028, qui se présente faussement comme un groupe progressiste mais est en fait dirigé par une organisation pro-Trump, Building America’s Future. Selon OpenSecrets et le New York Times, Musk aurait injecté plus de 100 millions de dollars dans ce réseau qui orchestre plusieurs campagnes pour semer la confusion et diviser la base démocrate.
Le site de Progress 2028 publie des messages distordus au sujet de Harris, lui attribuant des positions controversées pour accentuer les divisions parmi les démocrates, notamment sur des sujets sensibles comme les droits des LGBTQIA+ ou le rachat obligatoire d’armes. Le but ? Réduire le soutien à Harris dans des États clés comme le Michigan et la Pennsylvanie.
En parallèle, Building America’s Future diffuse des publicités prétendant soutenir Harris, mais qui exploitent des sujets de discorde au sein de l’électorat démocrate, y compris avec des insinuations antisémites. Ces actions, menées sous une opacité totale quant aux sources de financement, visent à influencer subtilement les électeurs et à affaiblir la position de Harris.
Musk n’incarne qu’un fragment de la vaste machine de manipulation déployée par le camp Trump pour semer la confusion et tromper l’électorat américain. Entre les millions de dollars injectés dans des campagnes de désinformation et les initiatives comme Progress 2028 visant à miner le soutien des démocrates, ces tactiques sont révélatrices d’un système prêt à tout pour garantir une victoire. Ce flot incessant de fausses nouvelles et de manipulations n’empêche pourtant pas Trump d’être encore dans la course, et cela en dit long sur le défi auquel la démocratie américaine fait face.
Pourquoi Musk soutient Trump ?
Au-delà des simples réductions d’impôts pour les miliardaires, le soutien de Musk à Trump vise des enjeux stratégiques bien plus larges, notamment dans le domaine de l’industrie spatiale. Avec SpaceX, Musk est fortement tributaire des autorisations et régulations fédérales, et Trump pourrait lui offrir un environnement de travail assoupli, voire un retrait des instances comme la Federal Aviation Administration (FAA), ce qui garantirait à SpaceX une liberté quasi totale dans ses opérations. En s’alliant avec Trump, Musk pourrait espérer un allègement des règles de sécurité pour les travailleurs et une réduction des contraintes imposées par les organismes de protection environnementale, lui permettant ainsi de pousser encore plus loin ses ambitions spatiales, souvent freinées par des restrictions strictes.
Noyer la vérité dans une mer de désinformation
Trump, malgré ses multiples scandales et les preuves accablantes qui défilent dans ses procès, parvient toujours à éclipser la vérité par une marée de mensonges propagée sans relâche par ses partisans sur les réseaux sociaux. Ses rassemblements sont marqués par des incohérences et des atrocités verbales qui défient la décence, mais cela ne semble ni le freiner ni diminuer l’ardeur de ses fidèles. Quant aux médias traditionnels, ils échouent à traiter Trump pour ce qu’il est véritablement : non pas un candidat parmi d’autres, mais un criminel notoire qui aurait dû être derrière les barreaux depuis longtemps. En le couvrant comme un simple candidat, les médias banalisent ses abus de pouvoir, minimisent les menaces qu’il pose à la démocratie et détournent l’attention des Américains de la gravité de la situation.
Le grand mensonge 2.0
Les stratèges républicains et les alliés de Donald Trump orchestrent un plan sophistiqué pour discréditer les résultats si Trump devait perdre. En plus des discours incendiaires du candidat, des sondages biaisés, réalisés par des groupes alignés avec le Parti républicain, inondent l’espace médiatique, créant une illusion de victoire imminente. Ces sondages, souvent très favorables à Trump, contrastent avec ceux des instituts indépendants qui montrent un duel serré avec Kamala Harris. L’objectif est clair : instaurer un sentiment de fraude possible si Trump perd, justifiant à l’avance un éventuel refus des résultats.
Des personnalités influentes comme Elon Musk ajoutent à cette stratégie en diffusant ces sondages sur leurs plateformes et en proclamant que la tendance est irréversible. En parallèle, Trump encourage des actions légales, allant même jusqu’à contester des procédures électorales en Pennsylvanie sous prétexte de fraude. Cette manœuvre vise à semer le doute dans l’esprit des Américains, pour que, peu importe l’issue, une partie de l’électorat pense que l’élection leur a été volée.
À quelques jours du scrutin, alors que les perspectives de victoire semblent floues, le camp Trump paraît prêt à contester les résultats, posant déjà les jalons pour une bataille légale qui pourrait se jouer dans les tribunaux et au Congrès, majoritairement républicain. Pour Trump, l’enjeu est colossal : une défaite pourrait signifier la prison, lui qui attend sa sentence dans un procès déjà clos, sans compter trois autres procès qui devraient démarrés après l’élection. Quant aux républicains qui l’ont soutenu sans réserve, le réveil pourrait être brutal. Face aux conséquences d’un soutien aveugle, ils devront affronter une réalité dure et sans concession si la présidence leur échappe une fois encore.
La démocratie américaine vacille face à cette tempête, mais l’histoire nous dira si elle parvient à se maintenir malgré l’assaut sans précédent qu’elle subit. Ce qui est le plus troublant, c’est que lorsque la plus grande démocratie du monde tombe, c’est tout le monde libre qui vacillera. Le Canada, pris en étau entre la Russie et les États-Unis, voit le danger d’un retour de Trump, le larbin de Poutine, plus menaçant que jamais.
Quand la désinformation remplace le programme électoral
Je suis probablement idéaliste, mais j’ai toujours cru qu’une élection se gagnait avec un programme solide, des candidats honnêtes, dédiés au service public. Pourtant, il est saisissant de voir à quel point le camp républicain se démène pour duper les électeurs, noyant le débat sous une avalanche de fausses informations. Quand vous en arrivez là, vous êtes à des années-lumière de ce qu’un élu devrait incarner.
Avec mon regard de Canadien, il m’est incompréhensible que l’on puisse encore accorder sa confiance à Trump. Mais la désinformation est devenue une machine bien huilée, si enracinée qu’un simple tour sur X suffit pour constater que même la sphère francophone est touchée par le trumpisme. Il n’est donc pas surprenant de voir que nombre d’activistes anti-vaccins sont aujourd’hui convertis à cette doctrine. La manipulation et le mensonge, malheureusement, semblent plus efficaces que jamais dans notre époque hyperconnectée.