Installer un antivirus faisait autrefois partie des réflexes incontournables dès le déballage d’un nouvel ordinateur. Cette habitude, ancrée depuis les années 2000, repose encore aujourd’hui sur un sentiment diffus d’insécurité. Pourtant, avec l’évolution des systèmes d’exploitation, l’intégration de protections natives comme Windows Defender et la multiplication des outils gratuits (parfois douteux) la pertinence de payer pour un antivirus en 2025 mérite d’être sérieusement remise en question.
Windows Defender : d’option de base à solution complète
L’époque où Windows Defender était considéré comme une simple roue de secours est révolue. Depuis quelques années, l’antivirus intégré à Windows 10 et 11 a atteint une maturité impressionnante. Des laboratoires indépendants comme AV-Test et SE Labs lui attribuent régulièrement des cotes élevées pour la détection des menaces, la performance et la convivialité. Il offre aujourd’hui une protection efficace contre les virus, les logiciels espions, les rançongiciels, les tentatives de hameçonnage et autres menaces courantes.
La majorité des utilisateurs qui mettent leurs appareils à jour régulièrement, naviguent prudemment et évitent les téléchargements suspects n’ont plus besoin d’un antivirus payant pour se protéger adéquatement. Et pourtant, l’industrie continue de miser sur la peur : fenêtres d’alerte, notifications anxiogènes, campagnes marketing aux accents catastrophistes… le sentiment d’urgence justifie encore l’abonnement annuel à des solutions souvent redondantes.

Quand l’antivirus gratuit coûte cher en données
La gratuité, dans l’univers numérique, vient rarement sans contrepartie. Le scandale entourant l’entreprise Avast, révélé en 2020, en est un exemple marquant. À travers sa filiale Jumpshot, l’antivirus gratuit récoltait à grande échelle l’historique de navigation de ses utilisateurs pour le revendre à des firmes de marketing. Les données, prétendument anonymisées, comprenaient les clics sur Amazon, les recherches Google, les visites sur les sites de voyage, et bien plus encore.
J’avais abordé cette problématique dans un texte publié dans le journal le Quotidien, où je posais une question devenue centrale dans la réflexion sur la cybersécurité : peut-on faire confiance à un logiciel de sécurité qui agit comme un espion? Même si Avast a mis fin aux activités de Jumpshot après le tollé médiatique, ce scandale a mis en lumière un modèle d’affaires basé sur l’exploitation de la vie privée.
D’autres fournisseurs gratuits ont également été critiqués pour des pratiques similaires, bien que plus discrètes. Dans bien des cas, l’utilisateur paie avec ses données personnelles plutôt qu’avec sa carte de crédit.
Mac, Android, iPhone : faut-il s’inquiéter?
Le mythe selon lequel les Mac ne peuvent pas attraper de virus persiste dans l’imaginaire collectif, mais il ne tient plus face à la réalité. macOS est moins ciblé que Windows, mais il n’est pas immunisé. Logiciels publicitaires, extensions malveillantes et faux outils de nettoyage sont monnaie courante. Apple multiplie les couches de sécurité, mais celles-ci ne suffisent pas à protéger un utilisateur imprudent.
Sur les téléphones intelligents, Android demeure plus vulnérable en raison de la possibilité d’installer des applications provenant de sources externes. Les appareils plus récents intègrent des outils comme Google Play Protect, mais ceux-ci ne détectent pas toutes les menaces. Dans certains cas, un antivirus peut être utile — surtout en milieu corporatif ou dans un contexte à haut risque.
Quant à iOS, le modèle fermé d’Apple réduit considérablement la surface d’attaque. Aucun antivirus ne peut effectuer une analyse complète du système, puisque Apple en bloque l’accès. Les logiciels de sécurité pour iPhone sont donc surtout des outils complémentaires — VPN, filtres de navigation, gestionnaires de mots de passe — qui n’apportent pas une réelle détection virale. Dans ce cas, l’antivirus relève plus du confort psychologique que de la nécessité technique.
Le facteur humain : maillon faible de la cybersécurité
Peu importe la plateforme ou la solution antivirus, le facteur humain reste la principale cause d’infection informatique. En 2025, les attaques ne passent plus uniquement par des virus classiques, mais par des tactiques de manipulation bien rodées : courriels d’hameçonnage, faux avis de livraison, pages bancaires frauduleuses. Un simple clic peut suffire.
Les cybercriminels exploitent la curiosité, l’empressement ou la naïveté. Même les meilleurs antivirus ne peuvent rien contre une pièce jointe ouverte sans réflexion. La meilleure protection demeure la vigilance, combinée à une bonne hygiène numérique : mises à jour régulières, mots de passe robustes, double authentification et méfiance envers l’inattendu.
Une réalité différente pour les entreprises
Le portrait change radicalement en contexte commercial. Dès qu’une organisation gère une flotte d’appareils, des données sensibles ou des accès distants, les solutions gratuites ou individuelles ne suffisent plus. Une suite de sécurité professionnelle centralisée devient essentielle.
Les antivirus pour entreprises offrent des consoles de gestion à distance, des politiques de sécurité déployables à grande échelle, des systèmes d’alerte et de réponse aux incidents, ainsi qu’un encadrement global des usages. Ces outils permettent une visibilité et un contrôle impossibles à obtenir avec les solutions grand public.
Kaspersky, par exemple, a longtemps été reconnu pour l’efficacité de ses outils de gestion centralisée dans les environnements corporatifs. Mais même ce marché est en pleine mutation. Aujourd’hui, les fournisseurs traditionnels doivent composer avec Microsoft, qui propose désormais ses propres solutions centralisées payantes, telles que Microsoft Defender for Endpoint, bien intégrées à l’environnement Microsoft 365. Cette offre séduit de plus en plus de gestionnaires TI pour sa simplicité, sa compatibilité native et son efficacité.
Comprendre plutôt que consommer
La question n’est plus simplement « faut-il un antivirus? », mais plutôt « qui en a vraiment besoin, et pour quoi faire? ». En 2025, les particuliers peuvent généralement se fier à Windows Defender, à des pratiques numériques responsables et à des outils déjà présents dans leurs systèmes. Payer pour un antivirus, dans ces cas, revient souvent à acheter une illusion de sécurité.
Pour les entreprises, l’enjeu est tout autre : protection des données, gestion des accès, conformité réglementaire. Dans ce contexte, une solution professionnelle, centralisée, payante et fiable demeure essentielle.
Mais pour tous, une chose reste vraie : la meilleure défense commence par la connaissance. Et aucune solution logicielle ne peut remplacer un esprit critique bien aiguisé.
https://www.av-comparatives.org/tests/malware-protection-test-march-2025/