Fondé en 1968, Intel a redéfini l’industrie des semi-conducteurs et l’informatique mondiale, devenant un symbole d’innovation technologique américaine. Cependant, 2024 a marqué une année charnière, où le géant, fragilisé par des erreurs stratégiques et une concurrence féroce, a dû faire face à des défis presque existentiels. Cette rétrospective propose une plongée dans l’histoire d’Intel et un regard sur son année tumultueuse, marquée par des suppressions de postes, des transformations structurelles et un avenir incertain.
Le départ de Pat Gelsinger et la crise interne
Lorsque Pat Gelsinger est revenu chez Intel en 2021, ses ambitions étaient claires : moderniser les capacités de fabrication, regagner des parts de marché et restaurer la confiance des investisseurs. En 2024, son départ soudain a mis en lumière les profondes fractures internes de l’entreprise. Des problèmes culturels, une bureaucratie étouffante et une aversion au risque ont limité sa capacité à effectuer des changements radicaux.
Gelsinger avait pourtant lancé des initiatives majeures, comme le plan « cinq nœuds en quatre ans », destiné à rattraper TSMC et Samsung en termes de capacités de fabrication. Ces projets, bien que prometteurs, ont entraîné des pressions financières énormes, forçant Intel à suspendre ses dividendes et à supprimer 17 500 emplois en 2024.
Les défis technologiques et stratégiques
Intel fait face à un dilemme crucial : sa dépendance à l’architecture x86, autrefois son pilier, devient un handicap. Alors que les architectures ARM et RISC-V gagnent en popularité, notamment pour les appareils mobiles et le cloud, Intel peine à s’adapter. Les ventes de puces x86 continuent de chuter, notamment dans le secteur des serveurs où AMD grignote des parts de marché.
Le segment de l’intelligence artificielle, dominé par Nvidia, représente une autre opportunité manquée. Malgré l’acquisition de Habana Labs en 2019, Intel n’a pas réussi à s’imposer comme un acteur clé dans ce domaine stratégique.
Fabrication des puces: un pari risqué
Pour diversifier ses activités, Intel a investi massivement dans Intel Foundry Services (IFS), visant à devenir un fournisseur de fabrication pour des entreprises comme Apple et Qualcomm. Cependant, ce pari reste risqué. Les retards dans les technologies de fabrication et une réputation entachée compliquent la tâche.
En 2023, lors de mes visites dans les installations d’Intel en Malaisie dans le cadre de l’Intel Tech Tour, j’ai pu constater les efforts déployés pour moderniser les chaînes de production. Bien que les infrastructures soient impressionnantes, le défi reste de transformer ces capacités en résultats concrets sur un marché dominé par TSMC.
Chute vertigineuse en bourse
Le 2 août 2024, Intel a frappé un grand coup en annonçant la suppression de 17 500 emplois, une décision choc qui a fait plonger son action de 28 % en une seule journée. Ce geste, aussi brutal qu’inévitable, traduit l’ampleur des difficultés financières auxquelles fait face le géant des semi-conducteurs. Dans un effort pour rationaliser ses opérations et freiner l’hémorragie, Intel a dû revoir ses priorités, réduisant ses investissements dans des secteurs jugés non stratégiques. Malgré tout, l’année 2024 restera dans les annales comme celle d’une dégringolade boursière sans précédent : le titre a été charcuté de près de 60 %, témoignage implacable de la perte de confiance des marchés dans la capacité d’Intel à retrouver son éclat.
L’histoire d’Intel est celle d’une entreprise qui a transformé l’informatique mondiale, mais qui se bat aujourd’hui pour rester pertinente. Alors que 2024 se termine, le géant doit affronter des choix cruciaux : se réinventer à travers une transformation culturelle et technologique profonde ou risquer de devenir un acteur secondaire dans une industrie qu’il a contribué à créer.
L’héritage d’Intel, forgé par des décennies d’innovations, mérite d’être préservé. Mais dans un environnement où le rythme de l’innovation ne cesse d’accélérer, le défi est immense. Les prochaines années seront décisives pour déterminer si Intel peut retrouver sa place parmi les leaders mondiaux ou rejoindre les rangs des géants déchus de la technologie.