La guerre des navigateurs renaît à l’ère de l’intelligence artificielle

Steeve Fortin
Par
Steeve Fortin - Éditeur
5 minutes de lecture

OpenAI et Perplexity veulent transformer la navigation web avec des fureteurs propulsés par l’intelligence artificielle.

Vingt ans après que Google eut imposé son hégémonie sur la navigation web, de nouveaux joueurs se pointent dans la course. OpenAI et Perplexity lancent leurs propres fureteurs, misant sur l’intelligence artificielle pour transformer la façon dont on explore le web.

Pendant deux décennies, Google a tenu les rênes de la recherche en ligne. Avec Chrome, lancé au milieu des années 2000, le géant californien avait trouvé le moyen d’intégrer son moteur de recherche directement dans la barre d’adresse. Ce simple geste a tout changé. Google s’est retrouvé partout, tout le temps, et n’a plus jamais lâché sa position dominante.

Être le moteur de recherche par défaut est devenu si lucratif que Google a versé à Apple environ 20 milliards $ US en 2021 pour conserver sa place dans Safari. Et pourtant, le navigateur d’Apple ne représente qu’environ 13 % des navigateurs actifs en 2025, contre 72 % pour Chrome.

Mais les cartes se rebattent. Après des années d’immobilisme apparent, deux nouveaux navigateurs font leur entrée : ChatGPT Atlas d’OpenAI et Comet de Perplexity. Tous deux reposent sur Chromium, la version libre du moteur de Chrome, mais ils promettent une expérience radicalement différente.

Garder l’utilisateur dans l’écosystème

Derrière ces nouveaux navigateurs se cache une idée simple, mais redoutablement efficace : garder l’utilisateur à l’intérieur de l’écosystème d’intelligence artificielle. Plus besoin de visiter les sites web. L’IA fouille, lit, résume et livre la réponse, sans que l’usager quitte la page. Même si la source est mentionnée, peu de gens vont cliquer dessus. Résultat : les médias perdent du trafic, et les géants technos s’enrichissent encore sur le dos du contenu humain.

Pour des médias comme MinuteTech, qui vivent de leur lectorat, cette logique est inquiétante. Le texte écrit par une personne, fondé sur des faits et une présence réelle, devient rare dans un web envahi de contenus générés automatiquement. À l’ère des réponses instantanées, les écrits ne restent plus : ils s’effacent derrière la machine.

Des assistants plus que des navigateurs

Malgré tout, il faut le dire : ces outils sont impressionnants. Le navigateur ChatGPT Atlas, par exemple, agit comme un véritable assistant. Lors de mes essais, j’ai demandé à l’agent de trouver les ingrédients les moins chers pour une recette destinée à quatre personnes dans deux épiceries près de chez moi. En quelques secondes, il avait visité les sites, comparé les prix et dressé une liste complète. Voir l’IA faire le travail en temps réel a quelque chose de fascinant.

Perplexity Comet offre une expérience similaire, un peu plus sobre, mais tout aussi efficace. L’agent y trouve la recette, recherche les ingrédients et produit une liste. Il est même possible d’obtenir des suggestions culinaires à partir d’une simple photo de l’intérieur du réfrigérateur.

Capture d’écran du résultat généré par l’agent IA Perplexity Comet, affichant la liste d’ingrédients économiques pour une recette basée sur IGA.
Résultat du test de l’agent IA Perplexity Comet : comparaison automatique des prix des ingrédients pour une recette de quatre personnes.

La vie privée, grande oubliée

À cette révolution de la navigation s’ajoute une question essentielle : la vie privée. Ces navigateurs retiennent et analysent tout ce que l’utilisateur fait en ligne. L’historique devient une mémoire vivante que l’on peut interroger directement, sans même revisiter les sites consultés. C’est pratique, certes, mais inquiétant. À qui appartiennent ces données ? Et surtout, comment seront-elles utilisées ?

Si la fréquentation des sites traditionnels continue de chuter, il est probable que le marché publicitaire suivra le mouvement et migrera vers les plateformes d’IA. On sait ce que Google et Facebook ont fait avec les données des utilisateurs : une véritable mine d’or. Les nouveaux géants de l’intelligence artificielle risquent fort de suivre la même voie, en monétisant les requêtes et les habitudes des internautes.

Et demain, lorsque l’utilisateur demandera à son agent IA de lui recommander les meilleures chaussures de course, recevra-t-il une suggestion neutre ou celle de la marque qui aura payé le plus ?

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