L’année 2025 n’a pas été marquée par une rupture technologique spectaculaire, mais par une série d’événements qui ont confirmé des tendances lourdes déjà bien amorcées. Entre l’ascension fulgurante de l’intelligence artificielle, la politisation accrue de la tech et les ratés persistants de l’État en matière de numérique, le bilan laisse peu de place à l’optimisme naïf.

Le magazine Time a désigné les architectes de l’intelligence artificielle comme personnalités de l’année 2025. Il est devenu impossible de passer sous silence les avancées technologiques liées à l’IA au cours des dernières années, alors que 2025 a été marquée par des investissements massifs dans le développement de cette technologie. Des investissements si importants que plusieurs économistes parlent désormais d’une bulle spéculative sur le point d’éclater, certains allant jusqu’à la comparer, voire à la juger plus dévastatrice, que la bulle Internet du début des années 2000. Cela dit, l’année 2025 a surtout été marquée par des avancées spectaculaires en audio, en vidéo et en génération d’images, pendant que l’IA générative, dans sa forme actuelle, semble montrer des signes de stagnation, possiblement affectée par la prolifération de contenu généré par l’IA elle-même. Selon certaines estimations, plus de 50 % du contenu du web serait désormais issu de systèmes d’intelligence artificielle.
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L’année 2025 est marquée au fer rouge par le retour fracassant de Donald Trump à la Maison-Blanche. L’impact d’Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, sur l’élection présidentielle de 2024 reste difficile à ignorer, une influence qui a contribué au retour de Trump au pouvoir et, par le fait même, à l’éloigner de possibles ennuis judiciaires. Au-delà de Musk, une large part des empires technologiques américains se sont rangés derrière le président républicain. Lors de la cérémonie d’inauguration de janvier 2025, les tech bros étaient d’ailleurs tous présents, illustrant clairement l’alignement entre pouvoir politique et pouvoir technologique.
Ces figures de la Silicon Valley ont joué un rôle central dans l’accession au pouvoir de Donald Trump, en lui offrant, ainsi qu’à son entourage, une exposition sans précédent sur les plateformes de réseaux sociaux, alors que la propagande et la désinformation pouvaient y circuler librement. Dès son arrivée à la Maison-Blanche, Trump a rapidement levé ou affaibli plusieurs réglementations jugées contraignantes pour les géants de la tech, tant sur le plan environnemental que sur celui de l’encadrement de l’intelligence artificielle. Des centrales au mazout et au charbon peuvent désormais alimenter des centres de données, et même des moteurs d’avion sont utilisés comme génératrices d’appoint, une situation qui inquiète autant les experts en environnement que ceux en gouvernance technologique.
Ce recul des garde-fous, combiné à l’absence de cadre clair en matière d’IA, fait craindre le pire pour l’avenir, même si les milliardaires qui bénéficient de ces décisions semblent peu préoccupés par des enjeux dépassant leur portefeuille. Ces mêmes acteurs ont profité de coupures d’impôts majeures, pendant qu’une partie de la population américaine voit des services sociaux amputés et que les coûts des assurances médicales pourraient doubler, voire tripler, d’ici 2026.
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Ce n’est pas un secret de polichinelle, les projets informatiques gouvernementaux deviennent souvent de véritables fiascos. Un rapport dévastateur de la vérificatrice générale au sujet de SAAQclic a mis la table à la commission Gallant, chargée d’enquêter sur ce fiasco. Personnellement, je n’ai aucunement été surpris par les révélations issues de cette commission, qui a mis en lumière l’influence des firmes de consultants dans les projets gouvernementaux, ainsi que le manque d’expertise au sein même de l’appareil d’État. Pendant que la commission Gallant battait son plein, c’était au tour de Santé Québec de se retrouver sous la sellette avec son projet de dossier de santé numérique.
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Le Canada a déjà été en avance dans certains secteurs technologiques, avant de se faire rattraper, puis dépasser. BlackBerry et Nortel en sont des exemples parlants, deux entreprises qui ont brièvement placé le pays sous les projecteurs avant de s’effondrer, faute de décisions claires et d’une vision à long terme. Cette difficulté à transformer des succès initiaux en positions durables explique en partie la dépendance actuelle du Canada aux technologies étrangères, surtout américaines, autant dans le secteur public que privé. Cette difficulté à consolider nos acquis se reflète aujourd’hui dans notre dépendance aux technologies étrangères, particulièrement américaines, tant sur le plan civil que gouvernemental.
Sur le plan numérique, la souveraineté ne se règle pas simplement en construisant des centres de données au Canada. Héberger des données ici ne change rien si les infrastructures, les logiciels et les règles qui les encadrent demeurent sous contrôle étranger. Les plateformes infonuagiques dominantes sont complexes, coûteuses et pratiquement impossibles à reproduire à l’échelle nationale. Dans les faits, réduire cette dépendance passe surtout par des choix logiciels mieux contrôlés ici, notamment en misant davantage sur des solutions ouvertes et maîtrisées localement.
Cette réalité se transpose aussi au domaine militaire. Le Canada doit gagner en autonomie stratégique, mais certaines ambitions demeurent irréalistes. Développer un avion de chasse canadien, par exemple, serait financièrement insoutenable et technologiquement hors de portée. La souveraineté ne signifie pas l’autarcie, mais des choix clairs sur ce que le pays peut contrôler, adapter et maintenir, sans dépendre entièrement des décisions politiques, économiques ou industrielles d’alliés étrangers.
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Au final, 2025 aura surtout mis en évidence une chose, la technologie n’est plus un simple outil neutre, mais un levier de pouvoir aux conséquences bien réelles. L’innovation technologique ne se fait plus en vase clos. Elle est désormais dictée par des décisions politiques et économiques bien concrètes, dont les effets se feront sentir longtemps. La vraie question n’est plus ce que la technologie permet de faire, mais entre les mains de qui elle se retrouve.